En réduisant ses ambitions dans la régulation des entreprises et de leurs sous-traitants, l’Union européenne réoriente ses priorités. Elle privilégie désormais la compétitivité au respect des droits humains et environnementaux.
Rarement on avait autant parlé d’une ouverture de magasin. Le 5 novembre, Shein a fait une entrée remarquée au BHV de Paris. Le groupe chinois aux 7 200 nouveaux articles par jour, dont une bonne partie de textiles, a provoqué un large tollé dans l’opinion.
Une indignation qui rejoint celle soulevée par la fast-fashion depuis plusieurs mois : Temu ou encore AliExpress sont de plus en plus populaires auprès des consommateurs européens, attirés par une offre pas chère et pléthorique. La consommation de textiles dans l’UE ne cesse d’augmenter, passant de 17 kg par personne en 2019 à 19 kg en 2022.
La recette du succès de ce modèle de surconsommation low cost ? La malproduction. Nombre de ces articles sont confectionnés en violation des droits fondamentaux. Les grands distributeurs de fast-fashion ne possèdent pas directement d’usines au Bangladesh, en Chine, ou en Inde mais emploient une main-d’œuvre très mal rémunérée.
Des employés payés entre 0,06 à 0,27 centimes d’euro la pièce selon les ONG ActionAid France et China Labor Watch, qui leur permet de proposer, sur un marché européen pourtant régi par de nombreuses normes, des produits dont les prix défient toute concurrence.
Les pays asiatiques dominent les importations de textiles dans les 27. © Axel Guillou et Lucie Porquet
Si ce recul est surprenant, c’est qu’il contredit les précédents efforts de l’Union sur le devoir de vigilance. La prise de conscience avait eu lieu en 2013, après l’effondrement à Dacca (Bangladesh), de l’immeuble Rana Plaza. La catastrophe, liée à l’absence de normes de sécurité dans le bâtiment, avait provoqué la mort de 1 135 personnes.
Parmi ces victimes figuraient de nombreux salariés travaillant pour des sous traitants de grandes marques européennes de fast-fashion, comme l’Espagnol Mango, le Suédois H&M ou l’Irlandais Primark, dont les produits furent retrouvés dans les décombres. Mais douze ans plus tard, l’accident paraît oublié.
Le Parti populaire européen (PPE, droite), dont une partie avait voté en 2024 en faveur du devoir de vigilance apparaît désormais en position de force face à la gauche.
Désormais, le groupe dispose de deux options pour constituer une majorité au Parlement. D’un côté, la majorité historique, dite « majorité Von der Leyen », formée avec les socio-démocrates et les écologistes, sur laquelle la Commission avait l’habitude de s’appuyer. De l’autre, et c’est la nouveauté, une majorité constituée du PPE et des partis à sa droite : Conservateurs et Réformistes Européens (ECR, ultra-conservateurs), Patriotes pour l’Europe (PfE, extrême-droite) et Europe des Nations Souveraines (ESN, extrême-droite).
La fin du cordon sanitaire qui isolait jusqu’alors l’extrême-droite. Cette majorité a elle aussi acquis un surnom, celle de « majorité Venezuela » : elle avait fonctionné pour la première fois lors de la reconnaissance par le Parlement de l’opposant Edmundo González comme président légitime du Venezuela, alors que Nicolas Maduro venait de se proclamer vainqueur du scrutin.
AXEL GUILLOU et LUCIE PORQUET
À Bruxelles (Belgique) et Strasbourg (France).
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